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LA MAISON DES BORIES

Étendu sur son lit, Amédée respirait profondément, le col dégrafé, le visage rafraîchi par une serviette mouillée.

Il venait de comprendre comment on peut tuer dans un accès de fureur. S’il avait eu une grande personne en face de lui… Isabelle, par exemple…

L’image d’Isabelle le fit se redresser, d’un bond. Cette femme, cette femme en qui il avait confiance, cette femme qui l’avait trompé, berné, et tout le monde le savait, les enfants le savaient, les domestiques le savaient !

Une pensée terrible le traversa : Ludovic ! qui sait si cette femme et son complice n’avaient pas payé Ludovic pour le tuer ? Mais oui, plus il y réfléchissait… Cette histoire de rats ne tenait pas debout, on ne renvoie pas un domestique pour des rats… Tout était machiné avec cette crapule pour faire croire à une vengeance… Une vengeance ! mais d’abord si Ludovic avait à se venger de quelqu’un, c’était d’Isabelle qui l’avait renvoyé et non de lui, qui était absent ! Comment n’y avait-il pas songé plus tôt ! Comment avait-il pu trouver naturel de recevoir dans le dos, dans son dos à lui, une balle destinée à Isabelle ? Ô imbécile, imbécile, confiant imbécile ! Toujours dupé, toujours victime de sa sentimentalité… Ah ! elles étaient sentimentales, elles, les garces ! leur profit, leur plaisir, leurs passions, leurs vices — et l’argent d’un homme et la vie d’un homme, ça compte pour rien.

Cette femme, cette femme ! Il l’estimait, il la croyait honnête. Tout ce qu’elle lui avait fait souffrir depuis leur mariage, il le lui pardonnait, parce qu’il la croyait honnête. Et voilà ce qu’elle était ! Une femme qu’il avait épousée par amour, une fille sans fortune avec