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LA MAISON DES BORIES

— Comment, une histoire ? protesta le Corbiau d’un air inquiet.

La petite fille se rapprocha encore et demanda mystérieusement :

— Est-ce qu’il était habillé en facteur ?

— Tu dis des âneries, coupa Laurent. C’était un petit gros avec une casquette et… attends, attends… oui, je crois bien qu’hier j’ai vu un petit gros, justement, avec une casquette, rôder autour de la maison à l’entrée de nuit. Et même je suis rentré pour prendre mon pistolet et quand je suis ressorti le type avait fichu le camp.

— Tu vois, appuya le Corbiau avec conviction. C’était lui. Il faudra le dire aux gendarmes.

Lise regardait le feu. Du moment que le « type » n’était pas habillé en facteur, ce n’était pas un contre-facteur, et ce n’était plus du tout intéressant. Elle se tourna vers son père, hocha la tête en le considérant d’un air apitoyé. Encore un peu de patience. Tout à l’heure, « dans cinq minutes, » on entendrait la voiture, la Z’amie ouvrirait vivement la porte en annonçant quelque bonne nouvelle et le blessé serait guéri.

Il faisait maintenant tout à fait noir. Les éclairs craquants et fulgurants éblouissaient les vitres, presque sans interruption et à chaque fois, la pluie redoublait de violence sous les décharges, comme une toupie sous le fouet.

— Sa Gentille qui est dehors… murmura Laurent.

Tous les trois se regardèrent avec une telle anxiété que Lise n’y put tenir, chercha du réconfort.

— Chientou est avec elle… dit-elle avec élan.

Les deux autres lui jetèrent un regard incertain et tout le monde se tut, pliant les épaules sous l’attente interminable, dans la maison qui n’était plus défendue.