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LA MAISON DES BORIES

pattes roses et tendres comme des radicelles, ils ne sont pas comme Juliette, qui sort indemne du bûcher, « pas même le bout du nez roussi… »

C’en est trop. Elle part d’un trait vers la maison, ras écartés, se jette sur Isabelle.

— Oh ! Z’amie, Z’amie, Ludovic… les rats…



Morne journée. Le vent du sud souffle toujours. Isabelle, de plus en plus malade, est dans sa chambre, volets fermés. Ludovic ne sort pas de la cuisine, il doit être d’une telle humeur qu’on n’ose y penser. L’explication a été chaude. Isabelle a bondi dans la remise et on a entendu alterner les éclats de sa voix irritée et la voix insolente et grasseyante du valet.

— C’est bon, a dit Mme Durras. Vous partirez demain. J’en suis bien fâchée pour Marie-Louise, mais vous avez dépassé la mesure.

Marie-Louise, quand elle a su la nouvelle, s’est mise à pleurer. Les enfants, aussi affligés qu’elle, essayaient de la consoler :

— Pleure pas, Marie-Louise. On t’écrira, on t’enverra la photographie des poules…

Morne journée. On se traîne entre la chaleur d’un soleil invisible et le rayonnement de la terre aride. Le jardin est un Sahara planté de fleurs artificielles vieilles de dix ans. Sur le chemin de la ferme, Clodomir l’endormi, le fils lymphatique du fermier farouche, transporte des seaux d’eau avec la lenteur expirante d’une abeille sous la pluie d’automne.

Est-ce que ce vent du sud va durer toute la vie ? Laurent est grognon. Lise presque muette et le Corbiau Gentil, errant languissamment avec eux, ne cesse de retourner dans sa tête active l’interrogation qui l’obsède depuis la veille ; « Est-il vrai que Carl-