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XI


Le vent du sud souffle depuis le matin, sous un ciel bouché, couleur d’ardoise. Sur terre, tout ce qui est verdure fonce et se flétrit comme une vieille feuille d’épinard. Le gravier blanc, le plateau sombre où la brosse des seigles coupés dessine un rectangle fauve émettent un rayonnement intolérable de chaleur mate. La terre gercée se fend, les pavots du jardin se recroquevillent au creux d’une puissante main fiévreuse, des lames brûlantes hachent les verveines et les œillets. Seul, le réséda des bordures tient encore bon, mais il sent la pêche cuite.

Dans la maison, Isabelle se tient les tempes, plus nerveuse qu’un chat par temps d’orage.

Les enfants se sont réfugiés dans la remise, orientée au nord. Les camarades pourront-ils venir, par ce vent ? Laurent soutient que la locomotive des garçons coupera le vent comme avec un canif, mais que la locomotive des filles restera en panne. La discussion technique menace de s’envenimer.

Ludovic est monté avec sa fourche dans la resserre du foin, qui coupe la remise à mi-hauteur. Tout à coup on l’entend s’exclamer et rire :

— Laurent, v’nez vouarre ! V’nez vite vouarre !

Les enfants lèvent le nez. Ludovic, au bord du plancher surélevé, brandit sa fourche à quatre dents. À la pointe de chacune des dents, un raton de quelques jours, empalé, palpite.