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LA MAISON DES BORIES

parler ? Je fais ce qu’il faut, n’ayez crainte. Et ne pensez plus aux morts, il n’y a que les vivants de dangereux. Il s’agit de ne pas avoir peur et voilà tout. Vous n’avez jamais vu le matou cracher sur les petits de la chatte ? Deux forces contraires… mais la plus forte est de mon côté, n’ayez crainte. Ne faites donc pas cette figure. Pensez à autre chose, allons.

— Pourquoi faites-vous semblant d’être gaie ? Pourquoi refusez-vous de m’entendre ? Croyez-vous que je ne sache pas, donc, que vous tremblez pour les petits, vous aussi, toujours ? Croyez-vous que j’aie oublié ce jour où vous avez pleuré, où j’ai touché, comme avec mes mains, votre désespoir ? Et depuis, j’ai sur le cœur ce poids qui me pèse… Pourquoi restez-vous ici, où il n’y a pas d’issue pour vous ? Que signifie de provoquer le malheur et de braver le danger sans profit pour personne ? Que signifie d’user vos forces dans la guerre au lieu de les donner à la joie ? Quelle folie ! quelle folie ! Écoutez-moi, croyez-moi, je suis votre ami, je donnerais ma vie pour vous voir heureuse. Écoutez-moi, prenez les enfants, partez. Je ferai ce que vous voudrez, je vous conduirai où vous voudrez, je vous supplie d’accepter tout ce que j’ai. Vous le savez, n’est-ce pas, que vous pouvez compter sur moi jusqu’à la mort ? Ah ! je ne peux pas bien dire… mais vous savez, n’est-ce pas, vous savez depuis longtemps ? Vous avez bien compris, tout compris ? Vous avez confiance ?

— Je vous remercie, murmura l’autre voix un peu altérée, un peu lointaine. Je n’oublierai pas. Mais… je ne peux pas accepter et je vous demande de n’en plus parler jamais, voulez-vous ?

— Mais pourquoi ? Mais pourquoi ? Ce n’est pas possible, vous ne pouvez pas…

— N’en parlons plus jamais. C’est tout. Voulez-vous que nous retournions vers la maison ?

— Je le savais, je le savais, reprit la première