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IX


10 août. — Le courage m’avait manqué pour noter la déception de cette première journée passée aux Bories, seul avec elle et les enfants.

J’en attendais une telle joie ! Mais dès mon arrivée, j’ai senti une ombre dans son accueil, une réserve, un souci secret qui faussait sa belle, riche nature, si splendidement jaillissante et authentique. La gêne n’a fait que grandir pendant le déjeuner. Et cet horrible demi-sourire de proxénète insolent, sur la vilaine face de ce domestique ! Elle ne l’aime pas non plus, mais pourquoi le garde-t-elle ? Au point de tension où j’étais arrivé, la seule présence de cet homme me causait un malaise insurmontable.

Je n’ai pas beaucoup prolongé ma visite. Les enfants me suppliaient de rester, elle n’a rien dit. Au moment où je prenais congé : « Venez quand vous voudrez, vous savez que la maison vous est ouverte. »

Comme si elle ne savait pas que je sais que dans son pays ces mots ne veulent rien dire, sinon éluder une invitation directe, — et qu’en arrivant à l’improviste, dans une maison française « qui vous est ouverte », on est sûr de produire l’effet d’un chien courant dans un nid de sarcelles ! Alors, pourquoi ne pas me dire, comme auparavant : « Venez tel jour ? » Veut-elle m’écarter ? N’a-t-elle pas confiance ?

Je rentre abattu, malade de tristesse. Nuit affreuse,