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LA MAISON DES BORIES

senti un bonheur réciproque à me nourrir de sa substance. Peut-on imaginer rien de plus complet ? Le geste mâle transposé dans l’impondérable, réuni à la féminité en une seule personne. Le cycle fermé.

Au nom de quoi lui demander de revenir en arrière, puisqu’elle est allée plus loin qu’aucun de nous ? Il faut renoncer à être homme, ou fuir. Pas d’autre alternative.

C’est peut-être une des raisons profondes de leur dramatique hostilité. Ils n’en sortiront jamais. Lui ne fera pas un pas en avant. Se renoncer, sortir de soi-même, cela lui est impossible. Et elle… autant demander au torrent de remonter vers la montagne. Alors ?

Alexandre devant le nœud gordien.

Est-ce pour le trancher que je suis venu ? Mais qui m’indiquera la manière de m’y prendre ? Je ne suis pas Alexandre et le nœud est de chair vive.

Une femme ordinaire… Mais elle ? Il y a en elle tant de choses qui m’échappent… Je n’ai jamais eu le courage de risquer la moindre allusion à ces folles paroles, ce jour où elle pleurait, où l’espace autour d’elle était dur et fermé…

Ces regards qu’elle laisse parfois tomber, du haut de ses sourcils : « Homme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? »

Peut-être me suis-je engagé dans une terrible aventure. Il n’importe. Je suis heureux, je ne demande rien.

4 août. — M. Durras m’a annoncé ce matin qu’il allait s’absenter pour une vingtaine de jours. Il m’a dit cela du ton le plus ordinaire et je me demande encore pourquoi je me suis senti comme foudroyé en l’entendant me faire part d’une chose aussi simple.

C’était comme si tout ce que j’espère vaguement