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LA MAISON DES BORIES

Amédée. Tu n’as pas honte d’être aussi paresseux, aussi nul, de déshonorer ton père et ta mère ?

— Cela suffit, dit Isabelle en se levant, de manière à se placer entre eux. Gardons les grands mots pour les grandes occasions, il n’y en a pas tant de rechange. Nous savons tous que Laurent n’est pas parfait et il le sait aussi, soyez tranquille. La semaine prochaine, il travaillera mieux.

— Il ne m’a pas répondu, reprit Amédée d’un ton farouche. Je veux qu’il me réponde. Je veux qu’il me dise devant tout le monde qu’il a honte de lui.

Il écarta violemment sa femme et se remit en face de Laurent :

— Tu vas dire ici, devant tout le monde : « Papa, j’ai honte de moi et je te promets d’essayer de devenir un enfant convenable. » Répète.

Le visage de l’enfant s’était décomposé. Sa mâchoire inférieure, saillante, détruisait la ligne pure de son menton. On l’entendait haleter, comme s’il luttait avec un ennemi.

— Eh bien ?

— J’ai honte de moi ! cria tout à coup Laurent d’une voix rauque et déchirante. J’ai honte de moi parce que je te ressemble, là !

Dans le silence pétrifié qui suivit, on entendit le petit garçon grimper l’escalier avec la précipitation et le vacarme d’un sanglier poursuivi et s’enfermer à double tour dans sa chambre.

Lise éclata en sanglots, créant une diversion, Isabelle la prit sur ses genoux, se mit à la bercer sans un mot, les yeux absents. Le Corbiau Gentil, accroupi sur une chaise, serrait ses genoux à deux mains, avec une telle violence que ses phalanges étaient toutes blanches.

M. Durras était resté immobile, les yeux exorbités, l’artère temporale saillante. Enfin, il sortit son mou-