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LA MAISON DES BORIES

core quelques jours chez lui. Puis je m’installerai à proximité ! Chignac ou Saint-Jeoire, pour commencer cette traduction, dont il semble assez impatient et qu’il souhaite contrôler. Après tout, mon propre travail peut attendre. Qu’est-ce qui me presse ? Aucune nécessité matérielle, aucun souci de vanité. Il est même étonnant que dans ces conditions je songe encore à travailler, alors que le spectacle de la vie m’intéresse si fort.

Et comment expliquer ce que je sens, que pour le moment il est beaucoup plus urgent pour moi-même d’entreprendre cette traduction que d’avancer le travail pour lequel je suis venu ?

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J’ai rêvé que j’étais aux Bories, dans le salon, seul. Dans la maison, on ne faisait qu’ouvrir et fermer des portes. Le petit garçon entre, s’assied dans un fauteuil sans me regarder, feuillette un livre, le repose et s’en va. Je l’entends appeler du dehors : « Maman, il est revenu. Va voir. » Mme D… arrive, s’avance vers moi jusqu’à me toucher et me demande : « Où est mon mari ? » Je fais un effort pénible pour me le rappeler et au même moment, je m’aperçois que je suis seul, dans une maison vide, démeublée du haut en bas et que c’est moi qui ouvre et ferme les portes en parcourant les pièces l’une après l’autre. Je me jette dans l’escalier qui n’en finit plus et descends les marches par grands bonds élastiques qui me donnent le vertige. Le dernier bond s’achève en chute dans le noir et la secousse me réveille.

Il est trois heures du matin. Dieu merci ! ce n’est qu’un rêve. Tout à l’heure, il fera chaud et clair sous la grande lumière et les enfants chercheront joyeusement dans mes poches les petits cadeaux que je leur rapporte.