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LA MAISON DES BORIES

en d’autres lieux, qui ne connaissaient pas d’hiver.

— Je sais pas comment font ces deux-là, disait-elle à Carl-Stéphane après qu’il eut admiré comme il convenait les planches de carottes, les œillets d’Inde et les bégonias, les haricots et les salades. Je sais pas comment ils font pour arriver à faire pousser des légumes. C’est des gens complètement z’impossibles, les légumes. Quand vous les voyez tout cuits, ç’a a l’air de rien, n’est-ce pas ? Eh ben, quand c’est en vie, vous imaginez pas toutes les histoires qu’il leur faut, à ces gens-là !

— Cette gamine est décourageante, dit Laurent, en toisant sa sœur de dix pieds de haut, — mais sa narine droite se retroussait éperdument. Elle est absolument bonne à rien, cette pauvre Pétrotte, J’ai beau faire ce que je peux pour la dégourdir, quand on l’envoie chercher du persil, elle vous rapporte de la ciguë. Bien heureux encore qu’elle n’en mange pas.

« Si y avait pas celle-là, qui est un peu moins bête, reprit-il en désignant le Corbiau, qui brilla d’orgueil, on pourrait croire que j’ai pas su les élever.

— Personne, donc, ne croira jamais une chose pareille, affirma gravement Carl-Stéphane. Mais que dit papa, d’avoir un si bon jardinier et qui sait si bien élever les petites filles ?

— Oh ! fit Laurent d’un air léger, papa, vous savez, ça l’intéresse pas beaucoup, ces choses-là.

— Non, non, chantonna Lise, non pour sûr, ça l’intéresse pas beaucoup, il est trop savant pour ça. Et ma foi, tant mieux, pasque s’il venait encore mettre son nez dans les résédas, oh ! z’alors, ça serait tous les jours de la semaine la comédie du dimanche…

Elle se mit à cabrioler en débitant à une vitesse vertigineuse :

— Silicate d’aluminium, trois fois quatre onze, tu n’es qu’un crétin, ah ! là, là, quand j’avais ton âge, broum, broum, topinambour, fallait voir ça, et va-