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LA MAISON DES BORIES

— J’ai goûté de la crotte de poule, répondit le jeune homme d’un air méditatif. Mais ça, alors, y a vraiment rien à en tirer, même si on était pris par la famine. C’est tout juste bon pour fumer le jardin, et encore c’est pas fameux, le fumier de cheval vaut cent fois mieux. Vous voulez venir voir la Bichette ?

On alla voir la Bichette, qui tourna vers les enfants son grand œil doux, plein d’une patience émouvante. Laurent lui parlait avec tendresse en la tenant par le cou et la jument léchait ses joues fraîches au goût salé.

Ludovic, au fond de l’écurie, maniait des seaux avec plus de bruit qu’il n’était nécessaire, comme quelqu’un qui veut se faire remarquer. Laurent alla vers lui, de son air franc :

— Bonjour, Ludovic.

— Bonjour, monsieur Laurent, monsieur Laurent va bien ?

— Oh ! là-là, cria Lise d’une voix pointue, ouh ! ma chère, voilà Ludovic qui fait du chic !

Laurent revenait, désemparé. Le domestique le suivit des yeux, gonflant les narines avec son sourire de biais. Il vit Carl-Stéphane qui le regardait, détourna brusquement la tête et se mit à siffler.

— Si on allait voir le jardin ? proposa le Corbiau en mettant sa main dans la main de l’étranger, avec une soudaine confiance.

On alla voir le jardin. Laurent et le Corbiau y possédaient chacun son coin, qu’ils cultivaient moitié fleurs, moitié légumes. Isabelle, qui voulait inculquer à ses enfants le goût de la terre et le sens des réalités, leur rachetait leurs légumes pour la table, en prenant grand soin de ne pas favoriser l’un plus que l’autre.

Quant à Lise, qui avait pour les fleurs et les plantes une véritable passion amoureuse, elle considérait qu’elle était faite pour les admirer, mais que les cultiver était l’affaire des autres. Ses jardins à elle fleurissaient