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LA MAISON DES BORIES

était dans son bureau et Carl-Stéphane sentait qu’il aurait dû aller lui présenter ses devoirs. Mais il était beaucoup plus pressé de faire la conquête de Laurent. Et la lumière matinale était si belle ! pensa-t-il en manière d’excuse.

Le lapin, un gros lapin gris en liberté, prenait bel et bien le départ au sifflet, rangé en ligne avec le garçon et le chien. C’était un de ces succès de dressage que Laurent devait à un don spécial, hérité d’Isabelle, de communiquer avec les animaux et de s’en faire des amis, bien qu’il ne se privât pas de les tourmenter, quand son mauvais démon le tourmentait lui-même.

Après la course, le lapin trempa son nez fendu dans le verre de bière que lui présentait son maître et éternua cinq ou six fois d’un air satisfait. Laurent lui caressa les oreilles et vida le verre.

Le Corbiau, les mains derrière le dos, le visage émerveillé, semblait la statue même de l’admiration. Lise riait, secouait ses boucles.

— Vous voyez cet homme-là ? dit-elle à Carl-Stéphane en désignant son frère, d’un doigt moqueur. Eh ! ben, c’est un z’individu. Vous savez pas ce qu’il a fait l’autre jour ? Eh ben, il a tetté la lapine blanche. Vous savez pas pourquoi ? Pasqu’il dit qu’il n’y a pas de raison pour qu’on ne boive pas du lait de lapine, pisqu’on boit bien du lait de vache. Seulement, vous savez ce qui est arrivé ? Eh ben, il a eu mal au cœur, conclut-elle triomphalement.

— C’est tiède, c’est sucré, ça sent le poil de bête, reprit Laurent avec une grimace de dégoût. Mais comment est-ce que je l’aurais su, si je l’avais pas goûté ?

— Certes donc, c’est bien le rôle des hommes de risquer les expériences, approuva Carl-Stéphane avec gravité. Sans cela, il ne se ferait jamais de progrès dans le monde. Et qu’est-ce que vous avez encore expérimenté, jeune homme, dites-moi ?