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LA MAISON DES BORIES

manière de sourire, quand il voulait laisser entendre plus de choses qu’il n’en exprimait.

— Elle est en sucre aujourd’hui. Elle aime la distrayotte, ça m’a l’air.

Marie-Louise leva son regard honnête, bleu-lessive dans le hâle des joues :

— Elle est comme elle est toujours. Qu’est-ce que t’as à chercher continuellement midi à quatorze heures ?

Ludovic haussa les épaules et se remit à essuyer ses fourchettes, le front plissé. Tout à coup, il éclata :

— T’as vu comme elle a harnaché le gamin ce matin ? En soie blanche avec deux mètres de ceinture bleue autour du nombril ! Si c’est pas idiot !

— En moire, précisa Marie-Louise d’un air tendre et gourmand. Il était rudement joli et les petites aussi.

— Joli ! Bien sûr qu’il est joli ! Mais il a pas à être joli de cette façon-là, c’est idiot !

— Pourquoi ?

— J’te dis que c’est idiot. C’est idiot, la manière qu’elle s’y prend avec ce gosse, comme si elle avait toujours peur qu’on le lui mange. Chaque fois qu’il est avec moi, elle l’appelle, elle a toujours quelque chose à lui dire à ce moment-là, t’as pas remarqué ? Et dimanche dernier, t’as pas remarqué quand son père l’a envoyé manger à la cuisine parce qu’il avait renversé son verre sur la nappe, t’as pas remarqué qu’elle est arrivée tout de suite ? « Et tiens-toi bien, mon chéri. Et tiens pas ta fourchette comme ça, mon trésor. Et coupe pas ton pain avec ton couteau. Et bois pas de vin pur, et ci et ça, » t’as pas compris, non ? Comme si y avait deux manières de manger et qu’y risque d’attraper la mauvaise avec moi, avec nous, quoi ! Pour un peu, elle lui dirait que j’ai la gale, à Laurent, pour l’empêcher de venir avec moi…

— T’es pas fou ? Il vient dans la cuisine tant qu’il