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LE RAISIN VERT

Lise se sentir pâlir, et très vite, annonça :

portrait de mon frère Laurent,
environ douze ans, par sa sœur Lise,
environ dix :

Laurent, s’il veut, travaille
Plus souvent il me raille
C’est rare qu’il travaille bien
Ce n’est pas rare qu’il ne fasse rien.

— Bravo ! s’écria M. Durras, enchanté. Je puis garantir la ressemblance du portrait. Mon fils, mademoiselle, est le cancre le plus crasse que la terre ait jamais porté.

— Par exemple ! se récria Lise. Ce n’est pas du tout ce que j’ai voulu dire.

Nina s’informait :

— C’est le petit Pierrot, là-bas ? Celui qui ne dit rien et qui regarde méchant ?

— Ah ! vous avez vu cela, s’écria M. Durras avec un élan de sombre plaisir. Oui, c’est un triste phénomène.

— C’est peut-être un phénomène, corrigea Lise, indignée. Mais ce n’est pas un triste phénomène. C’est quelqu’un d’absolument épatant.

Et son regard voyagea de nouveau vers le groupe.

Laurent avait deviné qu’on parlait de lui. Le sourcil froncé, il menaça Lise du regard, mais comme le petit visage mobile s’altérait, laissant voir son désarroi, aussitôt la physionomie du jeune garçon s’adoucit et l’on vit monter du fond de ses prunelles une expression d’indulgence ironique et réfléchie, la sagesse millénaire d’un très vieux Chinois. Un frémissement retroussa sa narine droite, — c’était sa manière de sourire pour lui-même, — et il détourna les yeux pour rendre à Lise sa liberté.