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LE RAISIN VERT

et où perche cet « où », je n’en sais rien. Je ne suis pas de ces gens qui râpent les talons des autres avec le nez de leurs chaussures, histoire de leur prouver leur affection.

— Oh ! la belle petite poussée émotive ! s’écria Tiercelin, allongeant encore son mince sourire. Cette jeune fille dont on vante l’aimable caractère serait-elle sujette aux brusques colères des paranoïaques ? Vous savez, ces brillants sujets, généralement doués d’entrain et de séduction… Allons, rougissez un peu, ce réflexe de fuite sur place vous va si bien ! Non ? Ces petits vaso-moteurs ne veulent rien savoir ? Décidément, l’instinct de défense est alerté sur tous les points. C’est assez flatteur pour moi, par parenthèse. Je ne me savais pas si dangereux.

« Donc, pour en revenir aux paranoïaques, ces grands orgueilleux sont aussi enclins à la colère qu’à la gaîté — on leur suppose une vitalité débordante — et tout d’un coup, paf ! dépression, crise de larmes, la chute verticale. Et puis l’entrain rebondit. C’est le processus cyclothymique.

— Vous n’avez pas de chance, dit Lise d’un air apitoyé. Je suis aussi difficile à déprimer qu’une gomme Éléphant et je ne pleure qu’en lisant David Copperfield. Pour l’orgueil, soyons franche, je me crois à peine plus modeste que vous. Quant à la colère, ça oui, chaque fois que les gens se mêlent de ce qui ne les regarde pas. Est-ce paranoïaque, cela, dites-moi ? Cyclothymique ? ou schizophrénique ?

— Les trois, dit Tiercelin avec un empressement narquois, les trois. Ce n’est pas du tout incompatible. Vous êtes un cas, ma petite Durras, vous ne paraissez pas vous en douter. Votre sœur aussi est un cas. Elle m’intéresse beaucoup, votre sœur. Hyperémotive mal défendue par une affectation de froideur, prédominance du doute et du scrupule, sexualité sublimée par des inhibitions dont il faut chercher la cause dans les