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LE RAISIN VERT

— Ah ! vous voici, charmante ! Denique tandem ! Qu’elle est gracieuse ! Incessu dea patuit…

— Ne fais pas rougir cette jeune fille en fleur…

— Oui, mon vieux, oui, vous m’avez laissée tomber…

— …Avec un bruit sec et métallique ? C’est fâaux. J’élève ma voix pour protester…

— Eh ! dis donc, toi, l’archicube…

— Ainsi parlait Zarathoustra…

La musique, les voix, les rires, s’éteignaient à mesure que l’on gravissait le deuxième étage de l’escalier sombre et frais. Et l’on trouvait là, sous une lumière avare et dans la fraîcheur humide qui émane des murs au printemps, quelques couples égaillés, chacun d’eux enveloppé de silence et d’indécision, car il n’osait aller plus haut, vers le silence et l’obscurité des couloirs et ne voulait pas davantage redescendre vers la foule et le bruit.

Au dernier palier, enfin, la solitude. Un long couloir et les portes toutes pareilles des « thurnes », les chambres des normaliens.

Par mesure de précaution, la jeune fille frappa trois coups à l’une de ces portes avant de l’ouvrir.

La cellule était vide. Elle apparut, sous la lumière de l’ampoule électrique, nette et bien en ordre. Une petite table devant la fenêtre, chargée de livres et de papiers, un fauteuil de rotin, une chaise de paille, une étagère chargée de volumes, d’autres livres encore, sur un rayon placé au-dessus du divan-lit, en composaient tout l’ameublement. Le Corbiau déchiffra les titres, debout au chevet du divan où la coquetterie d’un garçon soigneux avait disposé des coussins de batik. Baudelaire et Rimbaud étaient là, entre l’Histoire de la langue française de Ferdinand Brunot et l’Introduction à la psychanalyse du docteur Sigmund Freud.

Elle s’assit sur le divan et s’étira en souriant de contentement. Ici, elle était libre, visiteuse d’un hôte