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LE RAISIN VERT

de longs étangs de parquet luisant laissés à découvert par les tapis.

Dans le salon, Lise lui fit remarquer un effet de glaces parallèles, qui, multipliant à l’infini leurs reflets, laissaient voir une suite de salons blanc et or, éclairés par une enfilade de lustres en verre de Venise aux torsades opalines. « Oui, dit-il, négligemment, c’est un effet d’optique. » Et elle le regarda avec étonnement. Ah ! il appelait cela un effet d’optique ? Lise appelait cela de la magie et s’oubliait parfois une heure entière à contempler la merveille.

Les chambres à coucher donnaient sur la cour plantée d’un marronnier, ouverte au soleil matinal, aux moineaux, à l’haleine du Bois qui arrivait par un dédale de petites rues désertes et sonores. On entendait chanter des poules au fond d’un enclos, piaffer un cheval de selle qu’un entraîneur menait par la bride en trottant à ses côtés.

— On se retrouve un peu, n’est-ce pas ? dit Isabelle.

M. Durras lui pinça l’oreille avec amitié, rentra le menton dans son faux col et demanda :

— J’espère que vous êtes contente de moi ? Cela m’a coûté assez de peine.

Isabelle, songeant aux fatigues d’un emménagement qu’elle avait dû mener à bout sans tapissier, sans électricien, pour satisfaire aux ukases conjugaux, et sans mari, resta un moment interdite. Puis elle se mit à rire et, pinçant à son tour l’oreille d’Amédée, entonna sa chanson favorite. C’était un vieil air plein de malice que sa grand’mère et sa mère fredonnaient en cousant :

Dans notre village
Il est un avocat
Où toutes les dames
Portent leurs débats