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LE RAISIN VERT

temps cicatrisée. Ce soir déjà lointain où Isabelle l’avait tenue contre elle, il lui avait semblé que sa vie s’en allait, sans que personne pût rien faire pour arrêter l’hémorragie. Mais la vie avait repris comme auparavant, encore un peu plus réfugiée à l’intérieur, encore un peu plus hors d’atteinte. Et tout était bien ainsi.

Donc, en dépit de la guerre et du départ de Laurent, ce troisième printemps de guerre était encore un beau printemps.

Tel était bien l’avis de Cassandre. Elle s’en montrait même si enthousiaste, de ce printemps, que Lise en concevait grand souci.

Les « jeux » languissaient, en partie à cause de dissensions intestines, Cassandre et Marcelle Bopp ayant voulu instaurer le règne du réalisme à la Bernstein, contre lequel Lise avait pris nettement position.

— Mais c’est vrai, au moins ! disait Cassandre.

Et Marcelle Bopp :

— Mais oui, c’est la vie. La vie de tout le monde.

— Non, répliquait Lise, non, ce n’est pas la vie, et encore moins la vie de tout le monde. Ça a l’air vrai, mais c’est plus faux que le faux, Et puis non, que voulez-vous, le théâtre en veston, ce n’est plus du théâtre.

On n’arrivait donc plus à bâtir un scénario qui contentât tous les partenaires. Et puis… et puis il y avait encore une autre raison qui faisait que Cassandre ne s’intéressait plus aux jeux que par habitude.

Il y avait Patachon.

Patachon était apparu avec le printemps dans l’atelier de la rue Lepic, parmi les jeunes tantes dont l’une était amoureuse d’un officier anglais, l’autre d’un sergent américain, le troisième d’un major français.