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LE RAISIN VERT

gardait la jeune fille et ce regard faisait mal au Corbiau, dans la poitrine. Mais cette fois elle osa parler, car elle n’était plus une enfant :

— Oncle Amédce, dit-elle, je ne peux pas supporter que votre pensée touche à Nina. Bonne ou mauvaise elle est sacrée, comprenez-vous ? Je l’aime. Je ne veux pas que les autres me l’abîment.

Amédée se tourna vers elle. Il avait ses yeux surpris, pleins de rancune, ses yeux bleus de dur rêveur éveillé :

— Eh bien, et moi ? Moi, j’en ai besoin aussi, tu comprends ? Je ne veux pas que les autres me la prennent, et vous me la prenez tout le temps. Faites attention, je me vengerai.

— De qui parlez-vous ? demanda-t-elle, étonnée.

M. Durras haussa les épaules :

— D’Isabelle, parbleu. De qui veux-tu qu’il soit question ici ?

— Alors, M. Laurent, demandait Cassandre, avec un coup d’œil malicieux, vous n’êtes plus sourd-muet ?

À cette question, Laurent éleva des sourcils naïfs, si perplexes que Cassandre rougit d’embarras.

— Je voulais parler d’un autre, reprit-elle en riant d’un rire un peu forcé. Un autre garçon qui s’appelle Laurent.

— C’est un nom assez répandu, dit froidement le jeune homme.

Cassandre sauta sur la diversion qui s’offrait :

— Ce n’est pas comme le mien. Chaque fois qu’on me nomme tout haut dans le métro, les gens ouvrent des yeux grands comme des soucoupes. Pourtant, j’en suis très fière, de mon nom. Je n’en changerais pas pour un empire. Savez-vous pourquoi ?

— Comment le saurais-je ?

« Il n’est pas aimable, pensa Cassandre. Je l’embête visiblement. Mais si je ne parle pas, avec cette bûche