Page:Ratel - Isabelle Comtat, Le Raisin vert, 1935.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
177
LE RAISIN VERT

Au tournant d’un couloir, Emmanuelle, Lise, Cassandre et Marcelle Bopp s’étaient évaporées, toutes les quatre en même temps.

Une fois libres, leur groupe se divisait, le Corbiau ayant obtenu d’Emmanuelle, à force d’insistance douce et têtue, qu’elle passât cette demi-heure à travailler avec elle, dans une classe vide, pour tâcher de combler ses lacunes.

Emmanuelle désirait passer son baccalauréat pour faire plaisir à son père, qu’elle aimait fort et qu’elle nommait drôlement « le capitaine ».

Si jamais elle y parvenait, le capitaine, qui était aux armées, ne se douterait pas des peines que le succès de sa fille aurait coûtées au Corbiau gentil. Car le Corbiau gentil, qui détestait imposer une contrainte à qui que ce fût et qui abhorrait l’enseignement, avait pourtant choisi de jouer le rôle de professeur auprès de son amie, et il lui semblait parfois qu’elle avait entrepris d’atteler un cheval sauvage à une diligence.

Pour aujourd’hui, il s’agissait de lui faire exécuter deux problèmes de géométrie. Le Corbiau descendit légèrement l’escalier et vola sur la pointe des pieds, le long du couloir du deuxième étage, en se baissant chaque fois qu’elle passait devant la porte vitrée d’une classe occupée par un professeur ou une surveillante.

Emmanuelle était debout à côté du tableau noir et regardait attentivement le rebord de bois aménagé pour recevoir les bâtons de craie. Elle releva la tête en voyant entrer son amie :

— Nabuchodonosor m’inquiète, dit-elle de sa voix de bronze qu’elle ne prenait jamais souci d’assourdir, fût-elle en fraude. Je lui trouve l’air exceptionnellement abruti.

Le Corbiau se pencha à son tour avec sollicitude sur le rebord du tableau. Un mince reptile long de trois