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LE RAISIN VERT

bien connue d’eau de Cologne, mêlée au suint particulier des cheveux châtains, lui monta aux narines. Une nausée irrésistible lui souleva l’estomac, il n’eut que le temps de gagner les latrines édifiées dans la cour.

Après quoi, rasséréné, il s’en fut en classe…

À la sortie de quatre heures, il retrouva son ami Jacques Henry, le blond calviniste, au regard bleu glacier, au front élevé, couronné d’une chevelure d’ange.

On voyait rarement Jacques et Laurent l’un sans l’autre. Leur amitié était sévère, encline à la pudeur et aux idées générales.

— Dis-moi, demanda Laurent à brûle-pourpoint, parmi les animaux, qu’y a-t-il à ton avis de plus bête que le mouton ?

— Parmi les mammifères ? précisa Jacques.

— Justement, dit l’autre avec un rire sarcastique.

— La vache ? risqua Jacques, incertain et surpris.

— La femme, dit Laurent.

Ils firent tous les deux quelques pas en silence, sous les platanes blancs de poussière.

— Développe ta pensée, dit Jacques.

Laurent eut un geste emphatique du bras :

— Chez une créature inférieure, quelle est la plus élémentaire manifestation d’intelligence ? C’est la faculté de prévoir le danger.

« Or, le mouton, bien qu’il se jette à la mer pour suivre son semblable, le mouton, cependant, prévoit l’approche de certains dangers naturels, tels que l’orage. De plus, ainsi que j’ai pu l’observer dans les montagnes, il y a chez le mouton certaine tendance craintive et mélancolique qui permet de supposer que l’espèce ovine ne vit pas en confiance avec la nature. Ce qui prouverait une intelligence embryonnaire.

« Mais la femme, mon cher, la femme n’atteint même pas au rang des cervelles ovines. Sous son appa-