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LE RAISIN VERT

— Corbiau, dit-elle tout bas, est-ce qu’il ne va pas se taire, là-haut ? Laurent pleure comme un veau, on croirait qu’il a perdu toute sa famille.

— Vas-tu te taire toi-même ? répliqua sa cousine avec brusquerie.

— Bon ! se dit Lise, voilà encore le mouton enragé.

Résignée, elle croisa ses mains entre ses genoux. Un sentiment de pénible solitude l’envahissait, bientôt transformé en une rêverie mélancolique qui n’allait pas sans quelque douceur. C’était comme un brouillard de l’âme du fond duquel elle percevait encore des bribes du sermon.

« Toujours… Jamais… Toujours… Jamais… »

Il était question de cette fameuse horloge, placée aux portes de l’Enfer et qui mesure l’Éternité au rythme de ces deux mots inexorables.

Lise se demanda machinalement si le coucou sortait à chaque fois. Sans doute, devait-il sortir sur le « Toujours » et rentrer sur le « Jamais », avec un petit déclic de la porte. Elle aurait bien voulu voir cette horloge-là, mais au même moment elle se dit :

— Quelle blague ! Est-ce qu’il nous prend pour des enfants, avec son coucou ?

Et elle considéra sans indulgence cet homme qui avait bouleversé Laurent, cependant que, faisant luire enfin au-dessus de son auditoire anéanti le mot de Rédemption et promettant pour le lendemain un sermon sur la Passion que l’on pouvait à bon droit espérer sanglant, le prédicateur bénissait l’assistance et descendait de la chaire en s’épongeant le cou.

À peine rentrée à la maison, Lise courut chercher du renfort auprès d’Isabelle :

— Z’Amie, si tu savais ce sermon qu’on nous a payé pour le premier jour de la retraite ! Un sermon sur la mort, tu as idée de ça ? Et avec des trémolos, encore : « Le verr qui vous rronge pendant les siécleus des siécleus… » Et l’enfer, et la pendule… Pathos,