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LE RAISIN VERT

IX


Que Laurent fût en passe de devenir un saint, cela ne faisait pour Lise aucun doute, durant cet aigre printemps, leur deuxième printemps parisien.

La piété de son frère l’emplissait d’admiration, elle, dont les résolutions d’ascétisme ne résistaient pas à l’aspect d’une boîte de caramels.

Elle trouvait d’ailleurs tout naturel que Dieu eût choisi Laurent pour habitacle. Le royaume du ciel n’a-t-il pas été promis aux violents ? On aurait pu seulement souhaiter qu’il y gagnât un peu de douceur franciscaine. Malheureusement, jamais son humeur n’avait été plus sauvage. Jamais notre sœur Lise n’avait reçu autant de coups de poing qu’au lendemain des jours de confession générale. Elle en prenait des colères folles, vouait son persécuteur aux flammes de l’enfer et, cinq minutes après, courait l’embrasser, tandis qu’il ruait d’impatience, présentait à ses baisers le rond de la tête et se frottait ensuite avec sa manche, pour effacer la souillure. « C’est la grâce qui le travaille ! » se disait Lise, pénétrée de respect.

Isabelle était plus sceptique, quant aux effets de la grâce. Elle devinait chez Laurent un nœud de tourments qu’il dérobait à sa sollicitude et dont la religion ne faisait, semblait-il, que développer la virulence. Mais, bien qu’elle se reprochât d’avoir laissé jeter de nouveaux ferments d’inquiétude dans une âme naturellement anxieuse, elle n’en laissait rien