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LE RAISIN VERT

sa robe de broderie anglaise au milieu de l’allée du jardin, monsieur :

« Que Mademoiselle votre fille traite de blanchisseuse la femme d’un capitaine au long cours, cela n’est déshonorant que pour vous. Si ma Marie-Ja vous manquait de respect, monsieur, à vous ou à quelqu’un des vôtres, c’est moi qui en aurais le rouge au front, je vous prie de le croire. Mais, Dieu merci, je me flatte d’avoir su l’élever.

« Mais ce qui dépasse les bornes, monsieur, c’est que votre jeune homme se montre à mon enfant à moitié nu et lui débite des horreurs qu’elle n’a même pas osé répéter à sa mère. Ma Marie-Ja est une enfant très pure, monsieur, et je ne permettrai à qui que ce soit de porter atteinte à sa pureté.

« Enfin, monsieur, que vous dirai-je ? À tout péché miséricorde. Je veux bien passer l’éponge pour cette fois, en faveur de nos relations de bon voisinage. Mais si le fait se renouvelle, alors je me montrerai, et l’on saura qui je suis. À bon entendeur, salut. »

Et elle avait opéré une sortie bruissante, tandis que M. Durras, ouvrant des yeux exorbités de stupéfaction, ne pouvait que répéter : « Quoi donc ? Quoi donc ? Mais enfin quoi, madame ? »

La première stupeur passée, il s’était félicité qu’Isabelle, occupée à sa toilette, n’eût rien entendu de l’incident. Le plus clair de l’histoire, c’est que Laurent s’était conduit comme un voyou. C’est à lui qu’il fallait demander des explications.

Laurent avait installé son chevalet dans les sables parsemés de chardons nains qui bordaient la molle et grise étendue de vase, laissée à découvert par la marée basse.

La mer n’était plus qu’une ligne brillante à l’horizon et le champ de boue s’étendait à perte de vue, étoilé de flaques miroitantes, parcouru de reflets où un œil