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LE RAISIN VERT

voyage chez les insectes, ce petit monstre du monde ordinaire.

Marie-Ja avait tracé la figure d’une marelle sur le gravier et sautait à cloche-pied d’un compartiment à l’autre.

Lise s’installa sur le mur, à l’abri d’une bosse de lierre et commença de rédiger mentalement une relation de voyage à son usage personnel :

« Les naturels de ce pays se livrent à un jeu que l’on nomme marelle. (Si j’écrivais mar-hèl, ce serait bien malgache, ou peut-être polynésien ?) »

À cet endroit, Marie-Ja, qui venait de retomber d’aplomb sur le dernier rectangle, aperçut Lise et lui fit un pied de nez.

« Curieux rite indigène, » nota Lise, gravement, mais il lui fallut rire, malgré elle et si fort qu’elle en pleurait.

La porte de la maison s’ouvrit et la dame au museau de belette poudrée reparut sur le seuil, dans sa robe de broderie anglaise.

— Marie-Ja, qu’est-ce que j’ai vu ?

— Non, dit Marie-Ja en baissant son front têtu.

— Madame, cria Lise, il n’y a pas de quoi se fâcher. C’est un rite indigène.

— Marie-Ja, vous allez présenter vos excuses à Mademoiselle notre voisine, im-mé-dia-te-ment.

— Non, dit Marie-Ja en grattant le sol du pied.

— Non ? reprit la dame. Non ?

Et soudain elle fondit sur sa fille comme un épervier et se mit à la battre avec la vigueur incroyable des femmes maigres cependant que Marie-Ja tâchait de se protéger partout où elle pouvait et hurlait de toutes ses forces :

— Oûh ïa, ïa, ïa, petite maman chérie, laissez-moi, laissez-moi ! Pardon, pardon, petite maman chérie…

— Allez ! allez ! disait la dame avec exaltation, à chaque fois que son bras s’abattait.