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LE RAISIN VERT

filé, parce que j’aime pas les médecins. J’ai toujours peur qu’ils me mettent une cuiller sur la langue.

— Ah ! mais, dit Isabelle, moi aussi je l’ai rencontré, en allant chercher du miel. Je lui trouve un drôle d’air, à ce médecin. Il a des yeux de morphinomane.

— Oh ! dit à son tour Amédée en reprenant de la tarte, ce doit bien être quelque chose de ce genre, pour venir exercer la médecine dans un trou pareil. On me paierait cher pour y rester six mois. Il faut qu’on l’ait vidé de partout, ce médicastre.

…« Mon Dieu, mon Dieu, s’il est vrai que vous pouvez tout, vous n’avez donc pas pu les faire taire ? »

Le lendemain matin, en allant chercher des petits escargots décoratifs le long de la venelle, Lise s’aperçut qu’il y avait du monde dans le jardin de la maison d’en face, un jardin bien ratissé, moins touffu que les autres et qui se rapprochait du genre jardin de chef de gare, avec son massif de bégonias roses et sa bordure d’œillets d’Inde.

La dame qui se tenait debout sur le perron de la maison carrée, crépie de blanc, déplut à Lise au premier coup d’œil. Petite et maigre, vêtue d’une robe de broderie anglaise serrée à la taille par un ruban bleu ciel, elle montrait un visage de belette poudrée, sous des cheveux blonds frisés au petit fer. On sentait qu’elle devait se parler à elle-même en s’appelant « mignonne. »

— Marie-Ja, dit la dame, avez-vous fait vos devoirs ?

La fillette d’une dizaine d’années qui traînait ses pieds sur le gravier du jardin leva la tête et répondit d’un air maussade :

— Pas encore.