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la citoyenne Laura Lafargue, Révolution et Contre-Révolution, Karl Marx explique à l’aide de sa doctrine les événements politiques de son temps. On y voit combien peu d’importance il attribue aux individus et à leur effort conscient. Ils apparaissent comme les fondés de pouvoir, comme les porte-parole des classes sociales dont ils représentent les intérêts et les aspirations. Il n’y est pas question de liberté, de dignité humaine, de pensée critique, dont Pierre Lavroff ne cesse de parler.


VIII

Les méthodes de Karl Marx et de Pierre Lavroff sont tout à fait différentes sinon opposées. Comme je l’ai déjà indiqué, Karl Marx emploie toujours et partout la méthode génétique. Il cherche à expliquer les phénomènes sociaux en étudiant leur devenir historique. Marx en tant que théoricien ne juge jamais les formes sociales. Il ne fait que constater leur existence. Il explique surtout leur rôle, leur fonction dans la production des moyens d’existence, qui est selon lui la base et la déterminante de l’évolution historique tout entière. Les formes sociales naissent et disparaissent avec les fonctions économiques qu’elles remplissent. Elles correspondent aux différents degrés de la productivité du travail, aux besoins variables du marché. La productivité du travail croissant a eu pour résultat l’inutilité du travail de l’esclave ; et l’esclave disparaît. Après la découverte de l’Amérique le marché international grandissant provoque des inventions mécaniques et donne naissance au capitalisme.

Le capitaliste remplit une fonction sociale nécessaire. Il est exploiteur malgré lui. Le prolétaire en le combattant ne fait que ce que lui dicte son rôle historique. Il est à son tour révolutionnaire malgré lui. Il est le produit inévitable d’une situation révolutionnaire. Tout est nécessaire. Tout est déterminé. Toute forme sociale a sa cause et sa fin économique. Le déterministe Pangloss lui-même, professeur de la « méthaphysico-théologo-cosmolo-nigologie », en serait ravi en trouvant que « les choses ne peuvent être autrement »…

La méthode de Pierre Lavroff est tout autre. Il l’appelle lui-même « la méthode subjective ». Dans une de nos études précédentes nous avons montré comment Pierre Lavroff démontre la nécessité de cette méthode.

Il résulte de sa théorie que nous sommes appelés non seulement à constater les faits, mais aussi à les juger au nom de notre idéal, de notre conviction morale. Nous les déclarons, grâce à notre point de vue subjectif, phénomènes normaux ou pathologiques. Nous ne pou-