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inférieurs aux peuples historiques où il y a possibilité de progrès, où la pensée critique et sa lutte contre la coutume ont conquis une place marquée. L’arrêt dans le développement est le plus sûr critérium de l’infériorité. La question se trouve ainsi résolue, grâce au dualisme de la pensée critique et de la coutume, pierre angulaire de la philosophie révolutionnaire de Pierre Lavroff.


VI

Ayant pour guide la pensée critique, Pierre Lavroff condamne énergiquement tous les éléments irrationnels de la pensée et de la vie, toutes les survivances individuelles et sociales. La pensée critique rejette la religion parce qu’elle exclut le doute et la critique. La religion ne vit que de l’irrationnel et de l’absurde. Credo quia absurdum. La pensée critique classe toutes nos connaissances selon la force de l’évidence qu’elles contiennent.

Elles peuvent être certaines, probables ou douteuses. Mais toutes doivent admettre la critique, le doute, la réflexion et la discussion. Ce n’est pas le cas de la foi religieuse, dogmatique par définition. Elle est donc inadmissible.

La pensée critique rejette également la société capitaliste parce qu’elle ne réalise pas les conditions nécessaires du progrès qui consiste, comme nous l’avons dit, dans le « développement de la conscience individuelle et de la solidarité sociale ». Pour que ce développement soit possible, trois séries de conditions sont nécessaires. Pour le développement physique un minimum de bien-être matériel, pour le développement intellectuel l’esprit critique et l’exclusion du surnaturel, pour le développement moral la possibilité de se former et de défendre une conviction et l’identification de la dignité personnelle de chacun avec celle de tous.

Pierre Lavroff démontre facilement que toutes ces conditions ne sont ni réalisées ni réalisables dans la société actuelle pour l’immense majorité des hommes. Par cela même cette société, qui n’est qu’un moyen pour réaliser les buts individuels et la solidarité des individus, est condamnée à disparaître. Elle doit réaliser la justice et la vérité, ou périr.

Le changement des formes sociales devient une simple question de force. L’individu acquiert cette force nécessaire pour transformer la société en s’associant à l’immense majorité des exploités. En pénétrant dans les masses populaires la pensée critique apparaît comme une force historique, qui brise triomphalement toute résistance.

La pensée critique rejette la famille actuelle fondée sur l’escla-