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père de famille de ses enfants. Le roi s’accordait le droit de propriété sur ses sujets. Même des révolutionnaires comme ceux du dix-huitième siècle confondaient la propriété monopolisée avec la liberté. La célèbre phrase : « La propriété, c’est le vol » paraissait profondément immorale. Mais, en réalité, la propriété-monopole n’est qu’une conséquence naturelle d’une société où la lutte pour l’existence prédomine et ne se complique pas par des notions de justice et de morale.


VIII

La conscience se développe. La pensée critique différencie ce que le vulgaire confond. L’homme commence à distinguer sa propre dignité de la chose appropriée. Il se rend compte que l’on ne saurait appliquer à la propriété-monopole la notion de justice, que cette forme de propriété, source de luttes sans fin, est le plus grand obstacle au triomphe du principe de la solidarité humaine, de la coopération universelle en vue du développement universel. Il déclare la guerre au principe de la propriété privée, à la société actuelle. Il proclame un nouveau principe de l’organisation économique. Tout en reconnaissant que les moyens d’existence et de développement doivent être assurés à l’individu, il trouve que la propriété-monopole n’est pas nécessaire pour cela. Il n’y a que la propriété communiste et le travail obligatoire pour tous qui puissent garantir à l’individu, à la société, à l’humanité enfin l’existence et le développement intégral. C’est aussi le seul moyen de sauvegarder la dignité morale de l’individu. Il pourra enfin, solidairement avec les autres hommes, poursuivant un but commun, travailler à son développement sans faire des victimes.

La justice de la société actuelle et de celles qui l’ont précédée est incomplète. C’est un mélange d’idées justes et de sentiments humains avec l’égoïsme animal des spoliateurs, le calcul froid des plus forts et le respect imbécile de la tradition des sots. La légalité officielle en porte toutes les traces. Le socialisme dégage de cet amas incohérent et contradictoire la vraie justice et cherche à le réaliser. Dans la société socialiste se réaliseront les idées qui ont été partiellement formulées et soutenues par les partis avancés de toutes les époques : la vraie liberté, la véritable égalité, la fraternité réelle. C’est la société socialiste qui réalisera le bien du plus grand nombre, l’idéal des libéraux utilitaires et rationalistes. Hors le socialisme, pas de salut public. La seule action vraiment progressive, la vraie humanité coïncident avec tout ce qui rapproche l’avancement de cette société nouvelle.

Tous ceux qui travaillent dans ce sens sont des frères d’armes. L’amour de ces agents du progrès, l’amour de l’humanité qui ne peut