Page:Rappoport - La Philosophie sociale de Pierre Lavroff.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.

opposés. Bientôt l’Église contiendra plus d’éléments de discorde que d’union. La tendance universaliste sur le terrain religieux se trouve radicalement compromise.


V

Après l’universalisme philosophique, l’universalisme d’État et l’universalisme religieux, cette même tendance revêt de nouvelles formes qui par leur nature même paraissent destinées à un meilleur sort. Les nouvelles tendances universalistes ont pour base les relations économiques et la science. L’industrie devenue cosmopolite, les marchés internationaux, les sciences exactes, de véritables sans-patrie, devenues des forces bouleversant toutes les formes traditionnelles de la vie, présentent un terrain autrement solide que la philosophie, l’État et la religion pour faire triompher définitivement les tendances universalistes, pour préparer des conditions nécessaires à la coopération universelle en vue du développement universel.

Les méthodes scientifiques se répandent de plus en plus parmi les représentants les plus avancés de tous les pays. L’application de ces méthodes ne se borne plus aux sciences dites exactes : les sciences sociales en profitent également. La victoire de l’universalisme scientifique paraît assurée.

D’autre part l’universalisme économique s’élargit et perd son caractère purement industriel ou commercial. Avec la conscience de la solidarité de tous les travailleurs engagés dans l’industrie, il revêt un caractère profondément social et moral. À la concurrence acharnée se substitue peu à peu l’entente internationale des travailleurs. La nouvelle forme de solidarité en se développant prépare puissamment et directement la coopération universelle, c’est-à-dire la société socialiste. Une nouvelle morale s’élabore. Le respect de la dignité des autres devient une condition de respect de notre propre dignité. L’antagonisme des intérêts se trouve remplacé par la solidarité des tendances identiques, humaines et fraternelles. Le développement intégral des autres est considéré comme un but et un moyen de notre propre développement physique, intellectuel et moral. Ce sont les principes directeurs de la morale socialiste.


VI

L’idéal socialiste s’élabore lentement, mais sûrement. Déjà dans la commune primitive on peut découvrir la conscience vague que la véritable solidarité entre les hommes ne peut triompher qu’après la