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dictature du facteur économique par « un syndicat des facteurs », comme le dit fort spirituellement Gabriel Deville, le théoricien distingué du marxisme français. L’évolution historique est trop compliquée pour être ramenée à une simple série de quelques unités-facteurs.

Les dialecticiens, amateurs de luttes à outrance et des oppositions sans fin, sont exaspérés par cette tendance du socialisme intégral. Il leur paraît vouloir contenter tout le monde, réconcilier l’irréconciliable. C’est le contraire qui est vrai. Les « Intégralistes » disent plutôt que « tout le monde » a tort. Ils disent encore que tout point de vue exclusif est une erreur, parfois utile mais encore plus souvent nuisible, destinée à devenir un obstacle pour le progrès du socialisme.

Ces points de vue particuliers sont autant d’idoles — idola specus selon Francis Bacon — chères à leurs auteurs, aux constructeurs et amateurs de systèmes et à leurs fidèles. Les doctrines unilatérales et exclusives ne font avancer la doctrine qu’indirectement, c’est-à-dire lorsque elles sont combattues par les partisans d’idées plus larges et plus exactes.

Le socialisme n’est pas un sport, et la lutte — lutte des idées ou lutte des hommes — n’est pas sa fin suprême. Le seul reproche que l’on puisse taire aux partisans du socialisme intégral, c’est qu’ils n’ont pas encore tenu leur promesse. Le socialisme intégral se trouve encore sur bien des points à l’état de projet. Mais d’autre part il est évident qu’il est plus facile de développer avec plus ou moins de plausibilité une vérité plurielle ou une demi-vérité, que d’étudier la société et l’histoire dans leur intégralité et dans toute leur complexité infinie. Les tâches faciles ne sont pas pourtant toujours les meilleures.

Pierre Lavroff est de ceux qui, une fois connu, contribuera d’une façon très appréciable à consolider le socialisme intégral, l’idéal auquel tend de plus en plus la théorie socialiste.


II


Le socialisme, pour Lavroff, a pour but une transformation de la société qui réalisera la coopération de tous pour le développement de tous, et créera la possibilité de l’extension de cette coopération à l’humanité tout entière. En outre, cette théorie se base sur la conscience que seuls le travail obligatoire pour tous et la suppression de la propriété-monopole peuvent réaliser ces conditions.

Ou encore : le socialisme est la coopération universelle en vue du développement universel.