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D’une pâte liquide il enduit son visage !
Ce que tu ne fis point, noble Sémiramis,
Le carquois sur le dos, pressant tes ennemis,
Ni toi, voluptueuse et fière Cléopâtre,
Du revers d’Actium victime opiniâtre.
Dans l’ombre cependant un réduit clandestin
À l’infâme assemblée offre un impur festin ;
Là, d’obscènes discours on fait rougir Cybèle ;
Là, de ces débauchés le maître et le modèle,
Fanatique vieillard, au regard effronté,
Prêche l’intempérance et la lubricité.
Élèves monstrueux des prêtres de Phrygie,
Pour mettre enfin le comble à cette affreuse orgie,
Que n’abandonnez-vous au tranchant du couteau,
D’un sexe dégradé l’inutile fardeau ?

Gracchus épouse un mime et la dot est comptée.
On signe. Vers les dieux la prière est montée.
La pompe des festins consacre un nœud si doux,
Et l’épouse repose au sein de son époux.
Romains, pour expier ces détestables vices,
Est-ce un censeur qu’il faut, ou bien des aruspices ?
Si du sein d’une femme il naissait un taureau :
Si des flancs d’une louve il sortait un agneau :
Serait-ce un plus sinistre, un plus affreux présage ?
Quoi ! ce même Gracchus, ce noble personnage
Qui du temple de Mars descendant les degrés,
Suait sous le fardeau des boucliers sacrés,
C’est lui que nous voyons de l’épouse nouvelle,
Revêtir sans pudeur la robe criminelle !
Dieu d’un peuple berger, Dieu vengeur de nos murs,
Quel génie en nos cœurs souffla ces feux impurs ?
Un citoyen illustre, un magistrat de Rome,
Comme épouse à l’autel conduit par un autre homme !
Quoi ! redoutable Mars, ton peuple, à cet affront,
N’a point vu la fureur éclater sur ton front,