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Voit bientôt son écrin se remplir de bijoux.
Et c’est sur nous, grands dieux, que la censure tombe !
On fait grâce au corbeau pour vexer la colombe.
Notre stoïcien à ces mots confondu
Ne dit rien et s’enfuit. Qu’aurait-il répondu ?
Mais que ne fera pas le citoyen vulgaire,
Quand tu viens, Créticus, d’une voix si sévère,
En manteau transparent, accuser Fabulla.
— Son désordre est public. — Eh bien ! accuse-la.
Accuse, si tu veux, Procula, Pollinée ;
Mais sache qu’elle-même en public condamnée,
Fabulla n’aurait pas cet excès d’impudeur.
— Je sue, et de juillet ne puis souffrir l’ardeur.
— Plaide nu ; on pardonne un accès de folie.
Qu’eussent dit, aux beaux jours de l’antique Italie,
Ces enfants généreux de Mars et de Cérés,
Tantôt pour le Forum désertant leurs guérets,
Tantôt couverts de sang, au sortir des batailles,
Les palmes à la main, rentrant dans nos murailles,
Si, pour flétrir le vice, ou venger la vertu,
Un censeur eût osé paraître ainsi vêtu ?
D’un juge, d’un témoin en toge diaphane,
Que ne dirais-tu point, toi, le sévère organe,
Le fier vengeur des lois ? et c’est toi cependant
Qui souilles nos regards de ce luxe impudent !
L’exemple t’a perdu : cette fatale peste
Bientôt de l’Italie infectera le reste,
Ainsi que trop souvent on voit d’un seul agneau
Le mal contagieux gâter tout le troupeau.

Mais ce goût insensé pour de molles parures
Bientôt va te conduire à des mœurs plus impures.
L’opprobre a ses degrés ; et, t’appelant chez eux,
Bientôt ils t’admettront à leurs banquets honteux,
Ces infâmes souillés de débauches secrètes,
Qui portent une mitre et de longues aigrettes,