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Ce n’est que dans l’instant où, sourds à la nature,
Leur propre chair allait leur servir de pâture.
L’assiégeant attendri leur accorda des pleurs.
Et quel homme, quel dieu n’eût gémi des malheurs
D’un peuple que peut-être, en ces moments extrêmes,
Ceux dont il but le sang, excusèrent eux-mêmes ?
De Zénon, il est vrai, la sévère raison
Nous donne une meilleure et plus haute leçon ;
Si l’on peut à la mort tenter de se soustraire,
L’homme, pour l’éviter, n’a pas droit de tout faire ;
Mais ces dogmes, au temps de l’ancien Métellus,
Un barbare, un Cantabre, où les aurait-il lus ?
Maintenant la sagesse a des lois plus humaines ;
Partout brillent les mœurs et de Rome et d’Athènes ;
La Gaule a des Bretons fait un peuple orateur,
Et l’on parle à Thulé d’y gager un rhéteur !

Ces généreux Vascons, et le peuple indomptable
Qui, victime d’un siège encor plus lamentable,
S’immola dans Sagonte à la fidélité,
Ne cédèrent du moins qu’à la nécessité ;
Mais de l’Egyptien la fureur homicide,
Surpassa les forfaits du Palus-Méotide.
Là, dit-on, quand Diane, aux pieds de son autel,
Voit plonger le poignard dans le sein d’un mortel,
Son prêtre, satisfait du sang de la victime,
Par d’autres cruautés n’ajoute point au crime.
Qui força donc Tentyre à cette atrocité ?
Les menaces, l’aspect d’un vainqueur irrité ?
La disette, la faim, les horreurs d’un long siège ?
Qu’aurait osé de plus ce peuple sacrilège,
Si tout à coup le Nil, avare de ses flots,
A l’aride Memphis eût refusé ses eaux ?
Ce que ne fit jamais, dans l’ardeur du carnage,
Le Cimbre, le Teuton, l’Agathyrse sauvage,
Une horde sans nom, rebut du genre humain,