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Et ses nobles amis, pour quelques vils deniers,
Courant, en toge blanche, au frein de ses coursiers ?
Mais, pour donner carrière à sa verve ironique,
Il n’en fallait pas tant à ce rieur caustique,
Qui prouve qu’on peut voir, sous l’air le plus épais,
Naître de ces talents qui ne meurent jamais.
Il riait des soucis, des plaisirs du vulgaire,
Quelquefois de ses pleurs ; et du destin contraire,
En le montrant du doigt, avec un air moqueur,
Défiait la menace et bravait la rigueur.
Nos vœux n’arrachent donc aux puissances célestes,
Que des dons superflus, s’ils ne sont pas funestes.

Victimes de l’envie attachée aux grandeurs,
Plusieurs doivent leur chute à ces mêmes honneurs
Dont la liste pompeuse enlie de longues pages.
Vois de leur piédestal descendre leurs images ;
Vois le peuple s’armer, et, la hache à la main,
Briser l’essieu du char et les chevaux d’airain.
Le feu va s’allumer : déjà la flamme brille ;
Déjà dans le creuset le grand Séjan pétille ;
Et ce front si longtemps adoré des Romains,
Ce front qui fut celui du second des humains,
Des arts les plus grossiers essuyant les outrages,
Va servir désormais à d’indignes usages.
— Pour rendre grâce aux dieux vengeurs des trahisons,
D’un laurier solennel couronnez vos maisons ;
Hâtez-vous, citoyens, et qu’un taureau sana tache,
Conduit au capitole expire sous la hache.
Séjan, par des bourreaux dans la fange traîné,
À la fureur du peuple en spectacle est donné.
C’est un jour de bonheur, de triomphe pour Rome.
— Quel air ! quels yeux ! crois-moi : je n’aimais point cet homme,
Cependant, de quel crime a-t-on pu l’accuser ?
Quels témoins contre lui sont venus déposer ?
Dit-on les faits ? a-t-on quelque preuve assurée ?