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Il ruina Mathon, il perdra Tongillus,
Ce Tongillus qu’on voit, dans son luxe sans borne,
D’un grand rhinocéros faire porter la corne,
Quand d’esclaves crottés qui le suivent au bain,
Arrive avec son huile un turbulent essaim.
Voyez-vous au Forum, sous sa masse grossière,
Suer ses Moesiens et ployer sa litière ?
On dirait qu’à pleins sacs puisant dans son trésor,
Il va tout acheter, esclaves, coupes d’or,
Murrhins, maisons de ville et maisons de campagne.
A son manteau de pourpre, au train qui l’accompagne,
On n’exige de lui nulle autre sûreté :
La pourpre et l’améthyste ont leur utilité,
Et cet éclat trompeur d’une fausse opulence,
Du plus mince avocat fait vendre l’éloquence ;
Mais à Rome aujourd’hui montrant un front d’airain,
La prodigalité ne connait plus de frein.

Sur l’art de bien parler vous compteriez peut-être ?
Mais, lui-même, au forum, s’il venait à renaître,
Cicéron, sans un gros et riche diamant,
A deux fois cent écus prétendrait vainement.
Avez-vous huit porteurs, dix clients, une escorte ?
Votre riche litière attend-elle à la porte ?
Voilà tout ce qu’il faut pour gagner un procès ;
Voilà comment Gallus obtient tant de succès ;
Comment, à la faveur d’une agathe empruntée,
Éblouissant les yeux de la foule enchantée,
Il supplante Paulus et plaide plus souvent.
Sous un mauvais habit on n’est guère éloquent.
En effet, quand voit-on d’une mère en alarmes,
Gallus au tribunal faire parler les larmes ?
Qui souffrirait Gallus quelque bien qu’il plaidât ?
Laisse donc le barreau, malheureux avocat ;
Et si tu veux, enfin, mettre à profit ta langue,
Pour recevoir le prix d’une docte harangue,