Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/183

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Courage, jeunes gens, les couronnes sont prêtes,
Et César, qui vous voit, en veut ceindre vos têtes.
Si, comptant par hasard sur tes doctes écrits,
Tu crois pouvoir d’ailleurs en recevoir le prix ;
Si c’est dans ce dessein que ta fertile plume
Ne cesse d’entasser volume sur volume :
Fais apporter du bois, mon cher Thélésinus,
Et livre ton ouvrage à l’époux de Vénus,
Ou laisse-le, caché dans quelque armoire obscure,
Et du temps et des vers devenir la pâture.
Toi surtout, malheureux, qui, dans un noir réduit,
A de sublimes vers travailles jour et nuit,
Efface ces combats, triste fruit de tes veilles ;
Romps ta plume et renonce à ces doctes merveilles.
Que t’en reviendra-t-il ? un buste décharné,
D’une branche de lierre à demi couronné.
Tout autre espoir est nul. Le talent le plus rare,
Quelque prisé qu’il soit d’un opulent avare,
Trompeuse illusion des plus grands écrivains !
N’en recevra jamais que des éloges vains !
Telle d’enfants légers une troupe volage,
De l’oiseau de Junon admire le plumage.
Tous les jours cependant, l’âge fait des progrès ;
Tous les jours moins habile aux travaux de Cérès,
Aux fatigues de Mars, aux courses de Neptune,
On se dégoûte enfla d’une vie importune !
Et, vieillards éloquents, mais nus et sans appui,
Nous détestons Phœbus et nous-mêmes avec lui !

Du patron qui t’arrache à l’asile des Muses,
Client trop dévoué, maintenant vois les ruses :
Il fait aussi des vers ; et, pour payer les tiens,
Croit te donner assez en te lisant les siens ;
Car, s’il veut bien céder le pas au seul Homère,
C’est grâce à ses mille ans. Mais la gloire t’est chère ;
Et, parmi nos lecteurs tu veux te faire un nom.