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Cet archet précieux, sa joie et son trésor,
Elle le tient, le baise et le rebaise encor.
C’est ainsi qu’à nos yeux, aux yeux de Rome entière,
Une patricienne, une matrone altière,
D’offrandes et de sang remplissant les autels,
Naguère de ses vœux lassait les immortels ;
Et pourquoi ? pour savoir si le bel Hermogène
Obtiendrait au concours la couronne de chêne.
Qu’eût-elle fait de plus pour un époux souffrant,
Pour un père en danger, pour un fils expirant ?
Debout, devant l’autel, se donnant en spectacle,
C’était pour un chanteur qu’elle invoquait l’oracle,
Et que, le front voilé, de l’agneau palpitant,
Elle venait, tremblante, interroger le flanc !
Éternels habitants de la voûte céleste,
Vous avez, je le vois, bien des moments de reste !
Pauvre Janus ! ô toi des dieux le plus ancien !
L’une vient t’implorer pour un comédien !
L’autre pour un chanteur, l’autre… tes aruspices,
Trop longtemps sur leurs pieds, gagneront des varices.

Mais laisse la chanter plutôt que de souffrir
Qu’on la voie en tous lieux par la ville courir,
Et, le sein découvert, l’œil armé d’impudence,
Avec nos généraux parler en ta présence.
Pour une telle femme il n’est point de secrets :
Du Thrace et du Persan elle sait les projets ;
Elle sait ce qu’on dit dans les bains, au théâtre ;
Quel fils, au fond du cœur, brûle pour sa marâtre ;
Quelle veuve est enceinte, et quel est son amant ;
Quand ils se sont parlé ; combien de fois ; comment.
La première elle a vu, sous la voûte céleste,
La comète sanglante au roi parthe funeste ;
Et tout ce qu’on se plaît à semer sur nos bords,
De discours alarmants, d’infidèles rapports,
Au pied de nos remparts, debout, en sentinelle,