Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

Vieux vase à quatre becs, qui, par mainte fêlure,
Du souffre avec instance appelle la soudure.
Le patron se sent-il, après un long festin,
L’estomac échauffé par les mets et le vin ?
D’une eau pure à l’instant la glace toute prête
Dissipe les vapeurs qui lui troublent la tête.
Je trouvais indécent qu’on ne vous servit pas,
Des vins du même crû qu’au maître du repas.
L’eau même est différente ; et le coureur numide,
Qui te verse la tienne, est si noir, si livide,
Que l’on craindrait, la nuit, dans un lieu détourné,
De voir venir à soi ce spectre décharné.
Un esclave, la fleur des enfants de l’Asie,
Aux ordres de Virron, lui verse l’ambroisie ;
Tout l’or de nos sept rois n’aurait pu l’acheter.
Songe donc, quand la soif te viendra tourmenter,
Que c’est à ton Gétule à te donner à boire.
L’esclave de Virron, jeune, brillant de gloire,
Et du prix qu’il coûta justement orgueilleux,
Ne doit pas, ne sait pas servir des malheureux ; •
Tu l’appelles en vain. Superbe Ganymède,
Il ne te versera l’eau fraîche ni l’eau tiède,
Et ce qui contre toi le révolte surtout,
C’est que tu sois, assis quand il se tient debout.
N’attends de ses pareils ni soins, ni prévenance ;
Les esclaves des grands en ont l’impertinence.
Un autre en murmurant te jette avec dédain
Quelques restes moisis d’un pain dur et malsain ;
Mais ce gâteau léger, aussi blanc que la neige,
Garde.toi d’y porter une main sacrilège.
C’est un gâteau pétri de la fleur du froment :
C’est le pain du patron. Touches-y seulement,
Si tu veux que tout haut gourmandant ta méprise,
Un esclave aux aguets te fasse lâcher prise.
Convive audacieux, te dirait-il soudain,