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sens et lui rendre tout l’honneur qu’elle méritait, la mer ne se montra point à ses yeux.

Alors, s’irritant contre elle et voyant à ses côtés Lakshmana, il dit les yeux enflammés ces paroles avec colère : « Vois donc, Lakshmana, l’insolence de cette ignoble mer ! Je l’honore, et pourtant elle ne veut pas m’accorder la vue de sa personne ! La placidité, la patience, la douceur, l’attention à ne dire que des choses aimables, sont des qualités dont les fruits n’ont jamais de saveur pour les gens sans vertus. Le monde ne sait honorer que l’homme cruel, audacieux, qui se donne à soi-même des éloges et qui, dénué de raisons persuasives, ne parle jamais que le bâton levé.

« Apporte-moi donc au plus tôt mon arc et mes flèches pareilles à des serpents ! Je vais à l’instant même bouleverser dans ma colère cette mer qu’on ne peut émouvoir ! »

Ces mots dits, Râma de saisir dans les mains de Lakshmana ses flèches et son arc céleste, auquel soudain il attacha la corde.

Il courba son grand arc, et ce mouvement ébranla, pour ainsi dire, la terre ; puis il décocha ses dards acérés, tel qu’Indra lance ses tonnerres ! Ces longs traits flamboyants, et dont la splendeur était semblable à celle du feu, volent rapidement au sein des eaux et font trembler tous les poissons de l’Océan.

Au même instant s’élevèrent par milliers, semblables au mont Vindhya, les flots du souverain des fleuves, portant jusqu’aux nues les requins et les crocodiles. Hérissé par des multitudes de vagues monstrueuses et jonché par des masses de coquillages, le grand bassin des eaux s’agitait avec des ondes enveloppées de fumée. La