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l’ai vue plongée dans le chagrin, cette reine aux grands yeux. Quand tu enlevas cette femme pour ta concubine royale, comment n’as-tu pas senti que tu prenais une lionne pour te dévorer ? Le Dieu qui brisa les villes, Indra même, s’il commettait une offense à la face de Râma, ne goûtera plus désormais de bonheur : combien davantage un être de ta condition ! Cette femme qui se tient ici charmante et de laquelle tu dis : « Voilà donc Sîtâ ! » sache que c’est Kâlarâtri[1] elle-même pour tous les habitants de Lankâ !

« Certes ! mon bras fût-il seul, peut facilement détruire Lankâ, ses éléphants, ses chars et ses coursiers ; mais ce n’est pas là que gît le point de la question. Râma, il en a fait la promesse en face du roi des singes, tranchera la vie du rival odieux par qui sa Mithilienne lui fut ravie. Rejette donc ce lacet de la mort que tu as lié toi-même à ton cou ; rejette ce lacet dissimulé sous les formes charmantes de Sîtâ, et pense au moyen qui peut seul te sauver ! »

Enflammé de colère à ces mots du singe, le monarque des Rakshasas ordonne qu’il soit conduit à la mort.


Quand Râvana eut commandé le supplice d’Hanoûmat, Vibhîshana lui tint ce langage afin de l’en détourner. Informé que le roi était en colère et de quelle affaire il s’agissait, le vertueux Rakshasa d’examiner la chose d’après ses règles mêmes.

Ensuite il honora le monarque avec politesse, et, versé dans l’art de manier un discours, il adressa au

  1. Une forme de Kâli ou Dourgâ, femme de Çiva et déesse de la destruction.