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l’un contre l’autre, avaient donné le feu pour le sacrifice.

Après qu’on eut immolé une victime pure, consacrée avec les cérémonies et les hymnes saints, on étala tout à l’entour du roi un grand festin de mets divers. Cela fait, Bharata, aidé de ses parents, ouvrit avec la charrue, en commençant à l’orient, un sillon pour enceindre la terre où s’élevait ce grand bûcher ; ensuite il mit en liberté, suivant les rites, une vache avec son veau, et, quand il eut arrosé de tous côtés la pile funèbre avec la graisse, l’huile de sésame et le beurre clarifié, il appliqua de sa main le feu au bûcher. Tout à coup la flamme se déroula, et le feu, développant ses langues flamboyantes, consuma le corps du roi monté sur le bois entassé.

Assisté de la foule, Bharata, de sa main droite, joncha le bûcher d’un bouquet de fleurs et continua la cérémonie en chancelant, comme s’il eût avalé du poison. Malade, vacillant, égaré même par la douleur, il se prosterne contre la face de la terre, adorant les pieds de son père. Quelques-uns de ses amis le prennent dans leurs bras et font relever malgré lui ce fils malheureux, aux formes toutes empreintes d’affliction, agité, chancelant et l’esprit hors de lui. Mais, aussitôt qu’il vit le feu allumé dans tous les membres de son père, il poussa des cris, ses bras levés au ciel, et s’affaissa de nouveau sous le poids de sa douleur.

Vaçishtha fit relever Bharata et lui tint ce discours : « Ce monde est continuellement affligé par l’antagonisme de principes opposés : te lamenter pour une condition, qui existe de toute nécessité, n’est pas digne de toi ! Tout ce qui est né doit mourir ; tout ce qui est mort doit renaître : ne veuille donc plus te désoler pour deux choses à la fatalité desquelles nul homme ne peut dérober sa tête ! »