Page:Ramayana trad Hippolyte Fauche vol1.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que la vie ? Comment ne me parles-tu pas au moment où tu pars, auguste enfant, pour un si long voyage ? Donne à ta mère un baiser maintenant, et tu partiras après que tu m’auras embrassée : est-ce que tu es fâché contre moi, ami, que tu ne me parles pas ? »

« Aussitôt le père affligé, et tout malade même de sa douleur, tint à son fils mort, comme s’il était vivant, ce triste langage, en touchant çà et là ses membres glacés :

« Mon fils, ne reconnais-tu pas ton père, venu ici avec ta mère ? lève-toi maintenant ! viens ! prends, mon ami, nos cous réunis dans tes bras ! De qui, dans la forêt, entendrai-je la douce voix me faire une lecture des Védas, la nuit prochaine, avec un désir égal au tien, mon fils, d’apprendre les dogmes saints ? Qui, désormais, qui, mon fils, apportera des bois la racine et le fruit sauvage à nous deux, pauvres aveugles, qui les attendrons, assiégés par la faim ? Et cette pénitente, aveugle, courbée sous le faix des années, ta mère, mon fils, comment la nourrirai-je, moi, de qui toute la force s’est écoulée et qui d’ailleurs suis aveugle comme elle ? car je suis seul maintenant. Ne veuille donc pas encore t’en aller de ces lieux : demain, tu partiras, mon fils, avec ta mère et moi. Avant longtemps le chagrin nous fera exhaler à tous les deux, abandonnés sans appui, le souffle de notre vie dans la mort : oui, la sentence, auguste enfant, est déjà prononcée. Entré chez le fils du soleil[1], je mendierai, infortuné père, je mendierai moi-même, et portant mes pas vers lui : « Dieu des morts, lui dirai-je accompagné par toi, fais l’aumône à mon fils ! »

« Qui, après la prière du soir et du matin récitée,

  1. Vivaswat, le soleil, père d’Yama.