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sible qu’elle ait cessé de m’aimer, donc elle doit souffrir. Eh bien, souffrance pour souffrance. Quand elle aura souffert autant que moi, elle reviendra. Alors me croyant fort habile, je rebroussais chemin, et je me disais : demain ou après-demain elle me rappellera, et je m’empresserai de lui tendre les bras ; mais du moins, je n’aurai pas plié devant une femme. Voilà de quels absurdes raisonnements et de quel sot espoir je nourrissais mon orgueil.

Un jour enfin où j’errais par la ville, m’obstinant à vouloir que le hasard la mît sur mon chemin, je l’aperçus sortant de l’église où je l’avais vue pour la première fois. Nino l’accompagnait. Je m’avançai vers elle ; elle ne me voyait pas ou faisait semblant de ne pas me voir. Je passai tout près d’elle, et je dis à l’enfant : Bonjour mon cher Nino. Celui-ci se dégagea de la main qui le retenait, et vint à moi tout joyeux. Pia avait fait quelques pas, et comme si l’enfant s’attardait trop, elle le rappela vivement. Je le poussai devant moi, et je dis, la voix tremblante d’une émotion profonde :

— Ah ! Pia, non contente de ne plus m’aimer, vous m’enviez l’amitié de ce petit être qui doit me juger mieux que vous. Je serais tenté de vous dire que vous n’avez pas de cœur.

— En effet, je n’en dois plus avoir depuis que vous me l’avez brisé.

— Ah ! Pia, si vous pouviez m’entendre un moment !

— Le lieu est mal choisi.

— Voulez-vous que ce soit ailleurs ?