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Pauvre Pia ! comme elle était changée ! À ce teint fleuri de la jeunesse et de la santé, qu’elle avait quelques mois auparavant, avait succédé une pâleur extrême. Ses joues étaient amaigries : ses yeux n’vaient plus ni la vivacité ni la douceur de leurs regards ; ils étaient languissants et ternes, ses lèvres purpurines, d’où le sang semblait autrefois toujours prêt à jaillir, étaient décolorées et exsangues. Comme je la regardais avec un sentiment de tendresse mêlé de stupeur, elle me dit :

— Avouez que si vous m’aviez rencontrée ailleurs que chez moi, vous auriez eu de la peine à me reconnaître ?

— Si mes yeux avaient pu se tromper, mon cœur m’aurait crié : voilà Pia.

— Oh ! tenez, cette parole me fait du bien, me dit-elle en essuyant une larme d’attendrissement.

— Mais, mon Dieu, qu’avez-vous eu ?

— Hélas ! je ne sais ; mais c’est comme si « la mal’aria » avait passé sur moi. Je ne croyais pas qu’on pût tant souffrir et ne pas mourir. Et vous ? Vous vous êtes toujours bien porté ; cela se voit, tant mieux ! Comme vous avez été longtemps absent !

Alors, me gardant bien de lui dire mes luttes et mes combats avant mon départ, je lui fis connaître comment j’avais été forcé de me rendre à Montepulciano.

— Je ne vous demande aucune explication ; ce que vous avez fait vous avez dû le faire sans doute. Mais, si vous aviez pensé que quelqu’un pût souffrir de votre absence, vous ne seriez pas parti sans lui dire un mot d’adieu.

Ce reproche, tout vague et tout impersonnel qu’il était, me toucha vivement, et j’allais essayer d’y répondre tant bien que mal quand le signor et la signora Falghieri apparurent