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Tout en lui exprimant sa tendresse, il expose les motifs qui se sont opposés jusqu’ici à son inclination pour elle, son mépris pour les autres membres de la famille Bennet, sa conviction qu’elle est son inférieure et qu’il se dégrade en cédant à sa passion. Son orgueil a capitulé, mais il voudrait avoir les honneurs de la guerre. Jane Austen ne lui accordera pas cette satisfaction. Elisabeth repousse sa demande en mariage sans un mot aimable pour adoucir son refus ; et, comme il s’étonne d’un accueil si discourtois, c’est du ton le plus méprisant qu’elle lui reproche son intervention pour détourner Bingley de Jane, son ingratitude envers Wickham, son arrogance, sa vanité, son indifférence égoïste pour les sentiments des autres, son attitude actuelle, indigne d’un gentleman avec son insultante com23araison de leurs positions sociales.

Furieux, mais dompté, Darcy se retire, puis tente de se justifier dans une lettre respectueuse pour elle, fort dure pour ses parents et ses jeunes sœurs. Pour expliquer sa conduite envers Wickham, il ajoute la confession d’une faiblesse passagère de sa sœur, confession si pénible à faire à une étrangère qu’Elisabeth se sent touchée d’une telle marque de confiance. Et finalement, la brutale demande en mariage lui laisse une légère satisfaction d’amour-propre.

Nous avons vu jusqu’ici, dans une suite d’événements insignifiants, bals, causeries autour d’une table de jeu, promenades à la campagne, soigneusement enchaînés les uns aux autres, l’indifférence hautaine de Darcy se changer progressivement en curiosité, en estime, en respect, en amour, en admiration ; tandis que le petit ressentiment d’Elisabeth pour les paroles impolies du premier bal grandissait et se transformait en antipathie avec les confidences de Wickham, en aversion en découvrant que Darcy est responsable des pleurs de Jane, en mépris devant ses blessantes appréciations sur sa famille.