Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/46

Cette page n’a pas encore été corrigée

toujours une femme seule avec un très petit revenu comme une vieille demoiselle maniaque et risible, destinée à servir de jouet et de risée à la jeunesse ; mais une femme seule et riche est toujours respectée, et on lui reconnaît le droit d’être aussi censée et aussi plaisante qu’une autre personne [1]. »

Or, si elles n’étaient pas très fortunées, Mrs. Austen et ses deux filles étaient loin d’être dans la gêne, et la générosité des fils et des frères, dont plusieurs avait une brillante position, leur permettait de tenir un rang dans la société et de vivre agréablement.

La présence de sa chère Cassandra aidait Jane à supporter tous les ennuis de la vie. Sa sœur était également restée célibataire. Elle avait aimé autrefois un pensionnaire de son père, et le jeune homme était fort épris d’elle. C’était un futur pasteur, plein d’esprit, de bonté et d’énergie. Déjà fiancés, ils attendaient pour se marier qu’un riche parent, Lord Craven, donnât, comme il l’avait promis, une des nombreuses cures de ses domaines, lorsque celui-ci partit aux Indes Occidentales et demanda à son cousin de l’accompagner comme aumônier d’un régiment. Il ne devait y rester que peu de temps, mais à peine arrivé, le jeune homme prit la fièvre jaune et mourut. Cassandra en resta inconsolable, et vécut désormais comme une veuve, avec le souvenir de son roman brisé. Ainsi l’existence des deux sœurs resta communes, de la naissance à la mort de Jane ; et jusqu’au dernier jour, elles partagèrent la même chambre, les même joies et les mêmes peines.

Les visites de toute une tribu de neveux et de nièces, qui les adoraient et qu’elles gâtaient, empêchaient les deux sœurs de sentir l’isolement et l’absence d’affections, ces angoisses de la vie des célibataires. La petite troupe d’enfants tourbillonnait du matin au soir autour des jupes

  1. Emma.