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CONCLUSION


On peut se demander si l’enthousiasme que le public anglais montre actuellement pour les œuvres de Jane Austen est durable. N’y aurait-il pas là un simple engouement, en harmonie avec l’état d’esprit du temps mais passager, une vogue peut-être à son apogée et qui en dépit d’une persistance déjà remarquable serait destinée à s’évanouir bientôt ? Nous ne le croyons pas. Les personnages de Miss Austen sont des « types permanents et non accidentels » [1]. Tant qu’il y aura une classe moyenne, aussi longtemps que ses membres prendront un malicieux plaisir à retrouver tous les travers de leurs connaissances en des portraits fidèles spirituellement dessinés, le nombre des lecteurs de Mansfield Park et d’Emma ne diminuera pas. Les romans qui nous offrent des peintures à la fois si amusantes et si conformes à la réalité sont rares, et bien des années passeront avant qu’ils se multiplient au point d’étouffer la réputation de Jane Austen. La littérature de fiction d’aujourd’hui n’est point, en général, complètement à l’abri du reproche que faisait Fielding à celle du xviiie siècle : « Il est aussi difficile de rencontrer la vraie nature humaine dans les livres que le véritable jambon de Mayence ou le véritable saucisson de Bologne dans les boutiques ». La plupart de nos romanciers s’efforcent bien de mettre le plus qu’ils peuvent de cette nature humaine dans leurs ouvrages, mais souvent ils vont la chercher

  1. A. Birrell. C. Brontë.