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Jane Austen trouve que c’est là la meilleure méthode de développer l’esprit chez un être intelligent ; elle raille la connaissance impeccable qu’ont les jeunes sœurs Bertram de l’ordre chronologique des rois d’Angleterre, des empereurs romains, des fleuves de la Russie, de la mythologie, des métaux et demi-métaux, des planètes, de la liste des philosophes distingués ».

Pour elle, l’éducation doit se borner à développer les dispositions naturelles et à former le caractère ; elle n’est pas pour une instruction intensive, bonne uniquement à stimuler la vanité des jeunes filles en détruisant leur santé ». Et, lorsque Edmund Bertram reconnaît chez Fanny Price le désir de s’instruire, il se contente « de lui choisir des livres pour charmer ses loisirs, d’encourager son esprit critique, de corriger son jugement ; il rend ses lectures fructueuses en lui parlant de ce qu’elle a lu, et il ajoute à leur attraction par des louanges judicieuses ».

Doit-on déduire de ce programme que Rousseau aurait eu quelque influence sur Jane Austen ? Nous ne le croyons pas. Le ton général de ses romans dément cette hypothèse. Elle adore le monde et ses frivolités, ses lettres nous le montrent ; et loin d’avoir de la sympathie pour la sentimentalité française de la fin du xviiie siècle, elle tourne en ridicule les élans passionnés de Marianne Dashwood. Elle prend un tel plaisir à nous décrire les stratagèmes des coquettes pour attirer les hommages des jeunes gens, elle y apporte une connaissance si parfaite des méthodes à employer, qu’on ne peut s’empêcher de penser qu’elle-même préférait le marivaudage à la passion. Et sa correspondance confirme cette impression ; elle jouait volontiers avec les sentiments de ses danseurs.

Ses héroïnes préférées, Elisabeth et Emma, ne détestent pas le flirt ; elles papillonnent avant de se fixer, et si elles veulent aimer leur mari, c’est d’une affection t