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se leva brusquement et dit à Kitty : « Viens, ma chérie, j’ai à te parler » et elle l’emmena hors de la chambre. Aussitôt Jane jeta à Elisabeth un regard de détresse, exprimant toute sa confusion d’une manœuvre si évidemment préméditée, et pour la prier de rester.

Quelques minutes après, Mrs. Bennet entr’ouvrit la porte et appela : « Lizzie, ma chérie, j’ai un mot à te dire. »

Elisabeth dut sortir. « Il faut mieux les laisser seuls, tu sais », lui dit sa mère dans l’antichambre, « Kitty et moi nous allons rester en haut ».

Elisabeth n’essaya pas de raisonner, elle demeura tranquillement dans l’antichambre jusqu’à ce que sa mère et Kitty fussent hors de vue, et rentra dans le salon [1].


La discussion entre Mr. Dashwood et sa femme sur l’inconvénient des rentes viagères est aussi une petite merveille d’ironie. Il vient d’hériter de deux millions, et il songe d’abord, pour tenir la promesse faite à son père mourant, à donner vingt-cinq mille francs à chacune de ses trois demi-sœurs. Mais Mrs. Dashwood trouve qu’il va se ruiner ; il diminue la somme de moitié, puis suggère une simple rente viagère de deux mille francs à la veuve.

— « Certainement », hésite sa femme « cela vaut mieux que de sacrifier quarante mille francs d’un coup. Mais si Mrs. Dashwood vit plus de quinze ans, nous serons encore en retour ».

— « Quinze ans, ma chère Fanny ! Je ne lui donne pas la moitié de cela à vivre ! »

— « Je ne dis pas le contraire. Mais remarquez que les gens ne meurent jamais quand il faut leur payer une annuité. Et votre belle-mère est forte, bien portante, quarante ans à peine. C’est très grave une rente ; cela revient inévitablement tous les ans, on ne peut s’en débarrasser. Vous ne savez pas à quoi vous vous engagez. Je connais les inconvénients de faire une rente à quelqu’un. Ma mère avait la charge d’une rente à trois vieux domestiqu

  1. Orgueil et Préventions.